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Note : ce texte était initialement réservé à mes contributeurs patreon, et date du 6 avril 2021


Aujourd'hui, c'est la journée internationale de l'asexualité, et je me rends compte que j'ai jamais vraiment fait de coming out. J'en voyais pas trop l'intérêt, étant en couple (relativement) hétéro, je pensais pas que ça aurait de l'impact en dehors de la sphère privée. C'était sans compter sur la psychiatrie, la culture du sexe, mon dégoût du sex-positivisme.


Plantons les bases. Je suis une personne psychiatrisée depuis l'adolescence. Avant même que mes hormones se mettent en branle, on questionnait mon identité sexuelle et mon identité de genre. Je suis féministe, donc je m'oppose au patriarcat. Et je me revendique sex-negative : je ne pense pas que le sexe et sa culture puissent être des outils d'émancipation pour les femmes (à l'échelle collective j'entends, chacun fait ce qu'il veut de son cul et de son bonheur à l'échelle individuelle), et je trouve l'omniprésence du sexe dans nos cercles militants au mieux malaisante, au pire dangereuse. Je pense que les tenues et comportements ouvertement sexuels n'ont pas leur place dans nos organisations politiques, et que, tout en apportant un soutien total et inconditionnel aux travailleureuses du sexe, il est primordial de se décentrer de la question de la sexualité et de son épanouissement dans un cadre féministe.


Et je suis asexuelle.

Je suis asexuelle parce que je refuse de centrer ma vie autour de quelque chose qui me répugne, qui est véhicule de violences pour de bien trop nombreuses personnes. Je suis asexuelle parce que ça ne m'intéresse pas, parce que j'ai une libido en dessous de la moyenne, parce que je ne suis attirée sexuellement par personne, rayez les mentions inutiles, on s'en fout des causes, c'est les conséquences qui m'intéressent.


La société m'a perçue comme un être asexué et asexuel bien avant que je ne me pose des questions de genre et de sexualité. Je n'ai jamais été une femme, aux yeux de l'école, du groupe social, de l'institution psychiatrique, de la meute : j'ai toujours été une folle. Une tarée, handicapée, attardée, pas foutue d'alignée deux mots sauf en criant, commettant en plus le crime contre féminité d'être grosse et pas gâtée par la nature, reléguée ad vitam eternam dans la case des femmes laides. Et avant même que je ne pose la question, on a questionné ma sexualité.


Parce que je détestais qu'on me touche, parce que je n'aimais pas qu'on me serre dans les bras, qu'on m'embrasse, la psychiatrie a questionné ma sexualité sous le prisme des abus que j'ai subi à l'adolescence. On a mis mon absence de désir sexuel sur le compte de mes traumas, on a pris la chose comme un problème à résoudre. Alors que j'étais à peine formée, des hommes qui avaient l'âge d'être mon père m'ont demandé de me masturber pour "guérir", m'ont demandé si j'avais perdu ma virginité, où, quand, comment, dans quelle position. Adulte, on a refusé de me laisser accéder à mes droits reproductifs sous prétexte que mon rapport à la sexualité posait toujours problème.

Est-ce que mon asexualité me fait sortir du cadre normatif de l'hétérosexualité ? J'en sais rien, et je m'en fous. Ce cadre, de toute manière, je n'y suis pas, pour tout un tas de raisons qui me questionnent encore. Par contre, mon asexualité est politique. Et je ne comprends pas qu'on puisse, aujourd'hui, dans des cercles féministes radicaux, me refuser cette posture.


Mon asexualité est politique car, en la brandissant fièrement comme une identité, je fais un bras d'honneur à la psychiatrie.

Mon asexualité est politique car, en refusant la culture du sexe dans tout ce qu'elle a de nauséabond, elle est la suite logique de mon positionnement sex-négative et de ma critique du patriarcat.

Mon asexualité est politique car avant même que j'en prenne conscience, elle a posé problème bien au delà de la sphère intime.

Mon asexualité est politique, elle l'a toujours été, et je vous emmerde.

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